« Bonjour et bienvenue dans le train numéro (je m’en souviens pas), Je m’excuse, ainsi que la SNCF, pour ce retard, on a eu un contre temps avec la mise en place de la locomotive, sincèrement désolé. »
Aujourd’hui j’ai eu la joie de partager mon voyage en train de Mulhouse à Paris en compagnie d’illustres inconnus. Je n’ai évidement pas pu m’empêcher de les observer tout le long du voyage.
Il faut dire que pour une rare fois je n’avais pas de musique sur mon lecteur mp3 et surtout aucune lecture sur moi, enfin si, mais s’agissant d’une BD sans texte, ça ne suffit pas pour tenir 5 heures de trajet.
Cependant, les trois personnes autour de moi avaient un point commun, futile peut-être, mais il m’a fait tilter. Ils lisaient…
Bah quoi ? Lire ? C’est pas l’activité la plus répandue dans les trains ? Oui, oui, certes, mais là c’était une situation bien originale, le premier, la trentaine bien tapée avec une calvitie prononcée, lèvres pincées, regard stricte, attitude réservée lisait le révolutionnaire mais bien pensant magazine Marianne. Une posture toujours droite dans son siège un regard concentré sur sa lecture linéaire, c’est à peu près tout ce que j’ai pu en voir dans un premier temps. M’enfin, il ne donne pas trop envie de lui adresser la parole, chacun de ses mouvements semblait se plaindre de sa situation. Parisien va !
Le second, la vingtaine, mal rasé, cheveux courts, changeait régulièrement de posture, un temps sur son côté gauche, un temps sur son côté droit, jambes croisées, allongées, recroquevillées, bref, une attitude beaucoup plus nerveuse que le premier. Cette attitude était d’autant plus flagrante lorsque qu’il se passait machinalement une main dans les cheveux une bonne dizaine de fois pour recommencer quelques minutes plus tard, ou sa manière de faire frotter les coins des pages avec son pouce. Regard aléatoire, régulièrement en train d’observer autour de lui, sa concentration semble fonctionner en sursauts. Sa lecture ? Tom Clancy’s Op Center, roman à suspens mettant en scène des unités spéciales d’intervention qui a vu la naissance d’un jeu vidéo d’action du même nom que l’auteur. A tous les coups celui là c’est un gros joueur de jeux vidéos, il doit avoir un PC surpuissant, et plein de DIVX sur son disque dur externe ! Yeah !
Le troisième, approchant la quarantaine, cheveux mi-long, une fâcheuse tendance à se frotter une mèche de cheveux entre son index et son pouce pendant sa lecture assidue de science et vie.
Son regard, parfois totalement acquis à la cause de son article, s’autorisait des incursions dans mon domaine de l’observation. Ses yeux globuleux et son regard fixe sur l’objet de sa curiosité laisse à penser qu’il ne ressent aucune gêne à observer les autres. D’ailleurs, le magazine de son voisin, Marianne (le magazine et pas le nom du voisin) l’a intéressé et il ne s’est pas privé de lire par-dessus l’épaule !
Son attitude, "j’en sais plus que toi", est assez agaçante, mais peut-être est-ce juste parce qu’il fait comme moi… j’aurais dû réserver le droit à l’observation des inconnus. Non mais !
Sont-ils tous complètement absorbés par leur lecture ? Pas tout à fait, en effet régulièrement et chacun leur tour, ils se sont furtivement endormis devant leurs pages !
Un peu plus loin devant, un couple et leurs deux enfants (un garçon et une fille) passent du bon temps, ils parlent discrètement, ne s’énervent pas, et les enfants ne se disputent pas, au contraire, ils s’amusent à des jeux dans une grande complicité. Le jeu préféré du garçon est de profiter de l’assoupissement des parents pour piquer plus ou moins discrètement des gâteaux ou autres confiseries. Mais l’intérêt du jeu est nul si les parents ne s’en rendent pas compte, alors les rires entre les deux enfants servent de signalement d’une bêtise gentillette aux parents.
Sur ma droite 4 personnes qui n’ont pas réservées de places, un couple d’origine indienne dans la soixantaine, une jeune fille dans les 25 ans, et une femme dans les 35 ans, leur sujet principal de conversation est celui des placements dans le train, l’étonnement face au manque de sièges disponibles, et l’interrogation sur l’attitude à prendre si quelqu’un vient pour réclamer sa place réservée…
Dans son micro, l’employé de la SNCF peine à faire ses annonces, le matériel certainement aussi vétuste que le train semble rendre l’âme, son message à presque toutes les gares se résume donc à « bonjour la SN….train….paris esss…billets doiv….mercie de votre attention et vous souhaites un agréable voyage ».
Une mère et son enfant en bas âge entre dans le wagon par la porte la plus éloignée de moi, elle a le regard fatigué, et elle ne tente pas de paraitre en pleine forme bien au contraire, c’est donc avec une gentillesse toute simple qu’une passagère lui laisse sa place à coté d’elle. 10 min plus tard, cette passagère a perdu son sourire de politesse et son plaisir d’avoir rendu service, en effet, l’enfant braille et la mère peut-être autant. Du coup, les lecteurs MP3 et leurs oreillettes apparaissent aux oreilles de la majorité des passagers de cette voiture. Pas pour moi, et oui, la musique n’a toujours pas voulu apparaitre comme par magie sur mon lecteur à moi…
Troyes, des scouts, beaucoup de scouts, trop de scouts, bruyants, joyeux, niais et fatigués, ils encombrent les voitures pour rester groupés…mauvaise idée, mais en fait ils n’ont pas le choix.
Comme je n’ai rien dans les oreilles j’en apprends beaucoup sur l’organisation des scouts, même si leur jargon m’est inconnu j’arrive plus ou moins à suivre leur conversation…pourquoi des shorts ? Mais parce que c’est bien plus pratique, 20 000 mille fois au moins, et puis quand il pleut tu gardes moins de tissus mouillé sur toi, et puis, quand il fait chaud, tu as moins chaud, et puis c plus vite fait à laver et puis… Non en fait ça doit juste être par tradition, puisque pour les filles, les pantalons sont autorisés. Mais les ceintures ? c’est pas obligatoire mais c'est pratique…le chapeau ? Pas obligatoire non plus, mais comme tout le monde en a, si tu en as pas, tu en achètes un. Et pis c’est pratique, quand il pleut ça te protège, et quand y’a du soleil, ça protège aussi. L’été dernier sous la canicule, ça nous a beaucoup aidé ! Génial !
Le micro du train a retrouvé ses esprits, moins sûr pour celui qui s’en sert. Assis les uns sur les autres, on écoute cet instant qui fait sourire.
« Bonjour bienvenue sur le train en direction de paris Est, direct à partir de maintenant, heu, hu hu, je voudrais vraiment m’excuser pour les conditions exécrables de voyage, et heu, c’est vraiment intolérable je vous invite donc tous à prendre contact avec le service client de la SNCF, et heu, qu’est-ce que je voulais dire ? Ah oui, bonne année quand même et meilleurs vœux. Encore désolé ! Hu hu hu »
Sans musique, le train, c’est passionnant.
Paris Nantes ?
J’ai de la musique, j’ai sorti mon ordinateur, j’ai rangé trois sacs lourds de trois inconnues, et je me suis décidé à taper ce que j’ai vu entre Mulhouse et Paris. Je me suis souvent demandé ce que ça ferait si je tournais mon ordinateur et que je demandais à la personne d’en face de lire ce que je viens d’écrire. Je l’ai fait, la fille en face me devait bien ça, je lui ai monté son sac !
Elle s’est pas mal débrouillée, ne s’est pas laissée démontée par cette singulière invitation. Elle a lu, n’a pas montré trop de réactions, mais a lu en entier pour finir avec un « intéressant ! ».
Pas très original comme conclusion ? En même temps c’est difficile de dire autre chose. « Ouha ! c’est naze ! » eut été vexant, un « excellent j’adore » aurait été entreprenant. Un intéressant finalement ça passe tout seul.
J’avais pas prévu de parler d’elle dans ce texte mais bon, elle l’aurait souhaité apparemment, excès de zèle je viens de m’appliquer à l’y intégrer.
Maintenant elle retourne à ses activités studieuses. C’est mieux, et ça occupe.