Saturday, January 06, 2007

Parlez, je vous lis très bien !

Parfois, dans un voyage long de plusieurs heures, on peut s’ennuyer à mourir. Et à d’autres occasions, on peut faire de singulières rencontres !
L’air râleur, le manteau remontée jusqu’au menton, les cheveux mal coiffés, et sans même se retournée vers moi, continuant à scruter le panneau des horaires de Roscoff elle me demande « tu parles français ? ».
Pas de doute, c’est à moi qu’elle s’adresse, cette demoiselle à barbe. J’ai bien vérifié, dans la rue, un chat qui miaule en bas d’une fenêtre, un car qui attend devant la gare, des mouettes qui tournent au grès du vent, pas de doute c’est à moi qu’elle s’adresse.
Je lui réponds donc, et s’entame alors une conversation de courtoisie, après tout, on a deux heures d’attentes avant le prochain TER, et ni l’un ni l’autre n’a spécialement envie de les passer sans rien faire.
Rapidement, je me rends compte que cette femme d’environ 30 ans a bien plus de choses à dire que moi, je sens bien que je n’aurai qu’à prouver mon attention par intervalles réguliers pour alimenter son flot de paroles.
Je me laisse entraîner des les méandres de ses anecdotes, j’ai du mal à y croire, dans un premier temps, je réagis avec appréhension, pour qui elle me prend ? Croit-elle me duper ?
Et puis je me dis, si c’était vrai ? Et même si ce n’était pas vrai ? Ais-je un mouvement de recul face à un roman ?
Alors je la laisse faire, parfois même je l’encourage, dis m’en plus sur le père de ton mari ?
On est maintenant assis dans le café du coin autour d’une boisson chaude, les habitués du village sont là en cette matinée dominicale.
Certainement on doit être une petite attraction, moi et mes bagages, mes gros sacs, et elle, la femme à barbe qui ne cesse de parler.
On critique un temps la politique française, dont je ne suis plus tout à fait au courant depuis que je suis parti en Angleterre, mais qu’importe, depuis quand doit on en savoir pour critiquer des choses ? Alors on critique la politique anglaise. La conclusion est triste à dire, le monde va mal, anglais comme français, les politiques sont tous pourris ou presque. Je m’amuse à aller complètement dans son sens. La population devrait revenir à la terre, à des choses concrètes, l’autarcie c’est difficile mais c’est possible, toute cette société de consommation, toute cette perversion, tout ce mal entraîne un dessèchement spirituel…Les gens ne se parlent plus, les gens ont peur, et les gens qui ont peur sont agressifs…Le monde va mal.
Mais ces sujets ne m’aide pas à m’évader dans un monde inconnu, je l’invite à plus me parler de sa famille, de son mari…

Il est indien, il n’a jamais vraiment été accepté dans la famille. Il en a vécu des choses, un jour qu’il venait avec son fils en Irlande, il a été appréhendé par un policier du coin qui patrouillait dans sa voiture avec son collègue. Certainement son look avec sa grande barbe, son teint basané et ses vêtements ont fait échos dans la tête de l’officier de police…Mieux vaut lui demander ce qu’il fait ici, et vérifier ses papiers.
Sait-on jamais, peut-être a-t-il oublié de vérifier quelque chose, qu’à cela ne tienne, 10m plus loin il le contrôle de nouveau. Rien à faire, le doute persiste, et la situation se répète plusieurs fois. Finalement le père et le fils arrivent dans un petit café, magasin d’appoint. Le père sent bien que sa présence fait tache dans ce décor Irlandais.
La caissière semble gênée, et ne sait trop comment réagir. Rien de spécial ne se passe, cet homme n’est pas un terroriste. Le policier rentre dans le magasin et demande à la caissière si cet homme la gêne…la caissière ne sait pas trop quoi dire, l’homme n’a rien fait de spécial, mais si un policier vient lui demander ça, peut-être est-ce parce qu’il a fait quelque chose de mal. L’homme se lève alors avec son fils et propose alors gentiment à la caissière de quitter le magasin afin de ne plus la déranger, ainsi les deux indiens sortent du magasin dans un souci de paix.
Le policier les suit, et semble enclin à re-goutter aux joies de contrôles de papiers répétés…
L’homme commence à perdre patience, et somme le policier de soit le laisser tranquille puisqu’il n’a rien fait, soit simplement l’embarquer au poste de police une bonne fois pour toute.
Le collègue du policier sort donc pour aider le premier à embarquer l’étranger. Mais ils décident de ne pas prendre l’enfant.
Aberration évidente pour les deux infortunés, sûr de son bon droit, l’enfant réclame à être embarqué avec son père, puisqu’il lui semble qu’il devrait être coupable des mêmes soupçons que son père. Rien n’y fera, le père sera embarqué, mais pas le fils.
Le père se retrouve au poste de police où il doit répondre à toutes sortes de questions. Le policier trouve avec une grande joie un sachet d’herbes dans les affaires de l’étranger, manque de chance il s’agit d’herbes médicinales qui aident à dégager les sinus par infusion.
Que faire de lui ? Aucune raison de le garder en cellule… Rien de plus simple, il suffit d’appeler l’hôpital psychiatrique du coin pour l’envoyer là bas. Et voilà comment l’homme se retrouve en situation d’internés en centre psychiatrique…clamant sa santé mentale saine, il n’est évidement pas pris au sérieux. Quand les médecins lui demandent ce qu’il a exercé comme travail, innocemment l’homme répond la vérité. Il a fondé sa propre entreprise il y a plusieurs années, il a eu des centaines d’employés sous ses ordres, président directeur général d’une entreprise d’agriculture il a décidé de se tourner vers une association dont il est le président qui vient en aide aux pays défavoriser.
FOU ! Cet homme est fou, symptômes évident de mégalomanie aggravée. Cet homme soucieux de sa santé avait fait enlevé quelques veines dans ses jambes pour cause de varices, une telle opération a laissé des traces. Ces traces seront interprétées comme autant de signes de négligence du corps par le patient. FOU ! Cet homme est fou ! Les responsables décident de lui donner des médicaments, chose que le patient refuse de faire. Surtout parce que plus jeune il a eu une maladie spécifique, qui n’a jamais été totalement guérie, et certains médicaments, la plupart d’ailleurs, sont complètement interdits. Pour prouver sa bonne foi, l’homme explique qu’il a été traité dans l’hôpital (dont je ne me souviens plus le nom) en Pays de Galles. Ni une ni deux, le médecin appelle l’hôpital psychiatrique de cette ville. Double erreur, l’hôpital dont notre indien parlait n’était nullement psychiatrique, et surtout l’hôpital contacté a refusé catégoriquement l’ouverture de dossier privé de patient.
Echec total pour notre pauvre homme, qui se retrouve à manger des médicaments contre-indiqués coincé dans un hôpital psychiatrique.
Après plusieurs jours, le fils a réussi à prendre contact avec l’ex femme de son père, mais cette horrible personne profitera de cette occasion inespérée pour enfoncer un peu plus son ex-conjoint, visitant l’hôpital et notifiant les responsables de comportements violents et dangereux de son ex-mari.
Que de misère pour cet homme sans défense. Heureusement il finira par s’en sortir, grâce à l’aide de sa nouvelle compagne, mais cette longue traversée du désert laissera quelques traces puisque les doses régulières de médicaments néfastes ont réduits les capacités physiques de l’homme.


Voilà un extrait de ce roman à rebondissement dans lequel le grand père a participé à la première guerre mondial, il a été le premier « Brown » à s’engager dans l’aviation, il a créer une industrie fructueuse de jouets en bois, a permis à des milliers d’enfants de se passionner pour des plaisirs simples. Des plus humbles jusqu’au enfants de la famille royale.
Lady Diana se souviendrait-elle encore, si elle était vivante, d’avoir acheté ces simples jouets de bois ? Cette success-story d’un indien en Angleterre sera-t-elle un jour romancée ?
Les histoires des personnes avec qui on peut partager nos voyages peuvent être passionnantes, une lecture à haute voix des aventures les plus improbables qu’il soit donné d’exister. Et pourtant on se laisse porter à croire, que dans un coin d’Irlande et une ville Galloise, toute cette histoire est plus que vraie. Le décor, les personnages et les dialogues s’animent au même rythme que le paysage se déroule devant vous, dans le train ou le bus, les minutes deviennent des pages, les heures des chapitres ! Mais tout a une fin. Arrivée à Rennes, fin de l’histoire, chacun reprend sa vie, moi dans mon histoire simple et elle peut-être dans son histoire incroyable.
Avant que l’on se quitte, pourriez vous me dédicacer mon exemplaire ?

6 comments:

Anonymous said...

Cette success-story d’un indien en Angleterre sera-t-elle un jour romancée ?
probablement pas!

malheureusement, cette histoire me semble bien familière...

j'espère que tu as pris les coordonnées de cette petites dames...juste pour avoir une source d'information inépuisable! ;)

Anonymous said...

tu as le don toi, pour tomber sur des gens incroyables.
sur les femmes à barbe, les barbes bleues et les chaperons ronges.
et tu les racontes bien !

DoZeR said...

c'est gentil, je me suis bien amusé à écouter et à l'écrire aussi.

Anonymous said...

c'est cair que tu racontes bien... peut-être que la socio fera de toi un écrivain qui sait...

Anonymous said...

hey euh...ué jai bien fait de prendre le temps de le lire (enfin) ! :)



c vrai ou c pas vrai, l'indien? :$ :p

Anonymous said...

Vrai ou pas vrai, c'est vraiment loufoque!!
Moi j'espère que c'est pas vrai car sinon il a pas de bol ce pauvre Indien... M'enfin les bavures policières, c'est pas réservé qu'aux flics français...
En tous cas continues tes petites histoires! J'aime bien aussi quand tu racontes!

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